Etudes de géographie philosophique

de l'éclairage des côtes

Article paru dans le "Magasin pittoresque" en 1845

 

 

Utilité de l'étude des phares.

 Il semble qu'une des meilleures méthodes pour commencer à prendre une idée précise du territoire de la France soit de se représenter nettement le contour général de ses côtes ; et pour y réussir, il n'y a rien de mieux que de voir comment elles sont éclairées. En effet, considérées de cette manière, elles se rapetissent tout de suite ; et comme rien ne nuit davantage à la netteté de nos idées que les fausses images que nous nous faisons de la grandeur des objets, à cause du vague que notre esprit laisse toujours volontiers dans ce qu'il juge immense, il en résulte qu'une fois arrivés à embrasser les côtes aussi facilement que le tour d'une place autour de laquelle notre oeil se promènerait de réverbère en réverbère, l'ensemble prend place désormais dans notre imagination avec une familiarité parfaite.  Mais si les proportions matérielles de la France se réduisent ainsi en apparence, pour entrer plus aisément dans notre esprit, d'un autre côté, l'impression morale que nous cause ce noble pays, augmente singulièrement : le voilà, en effet, à l'instant où la partie du globe qu'il occupe perd le soleil et que les ténèbres se répandant sur l'Océan, en augmentent l'horreur et les dangers, qui refusant en quelque sorte pour sa par la loi de la nuit, et couvrant ses côtes d'une garniture d'étoiles artificielles, rend avec une admirable prévenance, aux navigateurs égarés, tous les avantages du jour, comme un h^te magnifique qui illumine chaque soir les abords du palais pour en rendre à toute heure l'accès facile. L'idée doit même s'élever d'autant plus que la France a eu le mérite de donner l'exemple à cet égard, et que cet exemple, quelque honneur qu'il lui ait attiré dans toutes les marines du monde, n'a encore été suivi exactement nulle part ; de telle sorte que, bien que la France ne soit pas la nation qui pratique le plus l'Océan, c'est elle pourtant qui met le plus de soin à éloigner de son territoire hospitalier la chance de naufrages, et qui veille à se détacher la plus vivement, durant les nuits, de cette confusion avec les eaux qui rend si terribles, pendant cette moitié du temps,  presque toutes les frontières maritimes de la terre.

Il est en outre à remarquer que l'étude des foyers d'éclairage, même pour la partie positive de la géographie, présente le lus sérieux intérêt. Comme ces feux sont ordinairement établis en vue des points qu'il est important aux navires d'éviter, et de ceux vers lesquels il leur est ordinaire de se diriger, il s'ensuit que dans le système de leur disposition se trouve implicitement compris celui de tous les points maritimes singuliers, soit par leurs avantages, soit par leurs inconvénients. Connaître les phares, c'est donc connaître les principes les plus généraux du littoral, car c'est d'après ces principes, mis en lumières par l'expérience des marins, qu'ils ont été réglés.

Système des côtes.

Si l'on jette un coup d’œil sur les grandes formations minérales qui composent le massif général de la France, afin de voir de quelle manière elles viennent se terminer dans l'Océan, on reconnaît bien vite que l'ensemble des côtes doit offrir un système fort simple. Les terrains anciens donnent les côtes dentelées, chargées de caps et de baies, parsemées d'écueils, les uns apparents, les autres couverts, et ces côtes sont, sur quelques points, impraticables jusqu'à une assez grande distance de la terre : c'est ce que l'on trouve, sauf de minimes exceptions, sur tout le pourtour des terrains anciens de Bretagne, depuis les Sables d'Olonne, à l'extrémité de la Vendée, jusqu'à Barfleur, à l'extrémité du Cotentin. Les terrains calcaires de seconde formation sont en général coupés net par la mer, et ils donnent par conséquent des côtes saines, bordées d'escarpements à pics connus sous le nom de falaises : ces terrains s'appuyant sur le massif de Bretagne, constituent le littoral, d'une part, sur la Manche, entre Barfleur et Eu, de l'autre sur l'Océan, entre les Sables d'Olonne et l'embouchure de la Gironde. De grands dépôts d'alluvion déterminent des côtes basses, sablonneuses, qui ne s'enfoncent que lentement au-dessous du niveau de la mer, de sorte que, malgré la différence des traits caractéristiques, la côte, à cause du peu de profondeur et des bancs qui la bordent, n'est guère moins dangereuse que dans les régions granitiques ; mais aussi, en général, offrant moins d'anfractuosités et par conséquent de mouillages, elle est moins fréquentée : telle est la côte, d'une part, depuis Eu jusqu'à Dunkerque, excepté les alentours de Boulogne où les falaises reparaissent ; de l'autre, depuis l'embouchure de la Gironde jusqu'à Bayonne. Ainsi, rien de plus net et de plus symétrique que le littoral de la Manche à celui de l'Océan, en les considérant à partir de la pointe extrême de la Bretagne : pour l'un comme pour l'autre, premièrement une zone accidentée de récifs, secondement une zone de falaises, troisièmement une zone de plages sablonneuses et de dunes. Quant à la méditerranée, le système est encore plus simple : depuis les dernières ramifications du granite des Pyrénées, à Port-Vendres, la côte, bordée par d'anciennes alluvions, demeure plate jusqu'aux environs de Marseille, puis de là, formée ou par des calcaires, ou par des granites, se hérisse et reste abrupte jusqu'à Antibes.

Lois de l'éclairage.

C'est tout cet ensemble qu'il est nécessaire d'éclairer de manière que le navigateur qui arrive en vue de la France pendant la nuit, aperçoive la côte autant qu'il lui est nécessaire pour reconnaître devant quel point il se trouve et déterminer la direction à prendre, soit pour longer le littoral à une distance suffisante, pour ne point y être jeté par le vent, soit pour gouverner au contraire vers le terre ferme, de manière à la joindre au point du mouillage. Il ne s'ensuit pas qu'il faille mettre des fanaux partout, comme dans une rue qui nous semble d'autant mieux éclairée qu'elle renferme plus de réverbères. Loin de là, si la côte était uniformément éclairée, il en résulterait que le navigateur, ne découvrant jamais qu'une même ligne de feux brillants à l'horizon, serait dans l'indisponibilité de déduire de là sa position et par conséquent de se guider. Il est donc essentiel que le nombre des feux soit diminué de manière que les points importants de la côte soient seuls signalés, et signalés de telle sorte qu'on ne puisse courir le risque de s'y tromper et de les prendre l'un pour un l'autre. Il est dès lors nécessaire d'employer des feux très puissants et assez élevés pour jouir d'une grande portée ; ce qui produit un autre avantage, celui de se faire voir à une assez grande distance du littoral pour prévenir à temps les navires et leur permettre d'exécuter à propos les manœuvres qui leur conviennent.

On conçoit que les caps les plus avancés sont les points qu'il faut avant tout signaler. Comme ce sont ceux qu'il importe aux navigateurs d'apercevoir d'aussi loin que possible, c'est sur eux qu'il convient de placer les phares de premier ordre, c'est-à-dire de la plus grande portée. Ces phares, après avoir fait connaître le point où l'on se trouve, donnent aux vaisseaux qui veulent continuer à se rapprocher de la côte les premières notions de la route à suivre pour se rendre au lieu de leur destination. Mais d'autres feux deviennent alors indispensables afin de montrer la route à tenir pour pénétrer dans les passes ou éviter les écueils, Ceux-ci n'ont pas besoin d'une aussi grande portée que les premiers, car il suffit qu'on les aperçoive à la distance où l'on doit commencer à se diriger d'après chacun d'eux. Enfin, le système d'éclairage est complété par des lumières entretenues à l'entrée des ports pour guider les bâtiments près des jetées ou dans les chenaux étroits où ils sont obligés de s'engager. Dans les ports qui n'ont assez d'eau pour recevoir les navires qu'à certaines heures, ces feux servent en outre à indiquer si le moment est favorable ou non pour entrer.

Distinction des phares.

Quant à la manière de distinguer les phares les uns des autres, ce serait peut-être là, si on le voulait prendre dans un sens absolu, la question la plus délicate. Le moyen qui se présenterait d'abord serait sans doute d'attacher à chacun des points importants du littoral une sorte de constellation particulière qui en serait pour ainsi dire le nom en lettres de feu. Mais ce moyen serait fort dispendieux, puisqu'il obligerait de multiplier les feux. Au lieu de constellations, il vaut donc mieux pour continuer à me servir du même langage, recourir à des étoiles simples de natures variées. On aurait pu, au moyen de verres colorés, les différencier les unes des autres par la nuance ; et c'est ce qui s'est fait en Angleterre avec assez peu de succès, car les verres colorés absorbant une partie des rayons lumineux diminuent d'autant la portée du phare, et de plus, les brouillards suffisent souvent pour donner une couleur à la lumière. On s'est donc arrêté à choisir pour principe de variation la faculté des éclipses. Comme les grands phares sont toujours situés à sept lieues au moins, en moyenne, les uns des autres, il s'ensuit qu'en se bornant à un petit nombre d'espèces différentes, deux feux de même apparence sont toujours séparés l'un de l'autre par une assez grande distance pour qu'un navire ne pût pas être dans une assez grande erreur sur sa route pour les prendre l'un pour l'autre, et d'après cette considération, l'on s'est tenu à ne pas diversifier davantage les apparences, ce qui aurait pu entraîner de la confusion.

Il y a trois moyens généraux de distinction : les feux à éclipses, les feux variés par des éclats périodiques, les feux fixes. Les deux premières sortes de feu sont elles-mêmes susceptibles de variation suivant le plus ou moins de durée de l'intervalle entre deux éclipses ou deux éclats consécutifs. Il suffit de se tenir dans les limites où il n'est besoin que d'une montre ordinaire pour faire l'observation. Les feux à éclipse de minute en minute sont ceux qui ont le plus d'intensité ; leur lumière, à l'instant de son plus grand éclat, équivaut à celle de quatre mille becs d'Argant ; elle peut être aperçue, dans les temps ordinaires, jusqu'à onze ou douze lieues marines. A la distance moyenne de six lieues, la durée des apparitions de la lumière est de vingt secondes, et par conséquent celle des éclipses est de quarante ; plus on est loin, plus la durée de l'apparition diminue, et à onze ou douze lieues elle n'est plus que de quatre à cinq secondes, tandis que la durée de l'éclipse augmente d'autant. Quant aux feux fixes, leur lumière ne dépasse pas en général celle des quatre cents becs d'Argant et ne s'aperçoit pas en moyenne à plus de sept lieues ; mais en revanche, elle éclaire continuellement tous les points de l'horizon. Diverses espèces de phares sont distribués de manière à différencier autant que possible chaque point des points circonvoisins, et l'on y réussit aisément.

Il y a longtemps que le système d'éclairage des côtes de France été l'objet de l'attention du gouvernement. Sous le règne de Louis XV, les marins des divers ports furent invités à communiquer leurs idées sur ce sujet si intéressant pour la diminution des naufrages. Une réponse à cet appel, qui ne porte ni date, ni nom d'auteur, mais que l'on présume avoir été écrite, vers 1770, par un des officiers les plus distingués de la marine française au dix-huitième siècle, M de Kearney, est devenue la base de tout ce qui s'est exécuté depuis lors à cet égard. Ce projet, abandonné dans le temps, sans doute à cause des dépenses qu'il aurait entraînées en raison des appareils lumineux dont on se servait autrefois, fut repris en 1825 et étudié de nouveau par une commission dont un de nos marins les plus distingués, l'amiral Rossel, fut rapporteur. Grâce au perfectionnement apporté dans les appareils lumineux par les beaux travaux de MM Fresnel et Arago, le plan de Kearney, tout en subsistant dans son ensemble, put recevoir des améliorations notables, et de progrès en progrès, l'on est parvenu au système que nous allons exposer et qui est à peu près complet dès aujourd'hui.

Distribution générale des phares.

D'après ce que nous avons dit, si l'on se place en tête de la France, c'est à dire devant la pointe extrême de la Bretagne, on aura devant soi, à droite et à gauche, la partie la plus dangereuse de toutes nos côtes. Supposons qu'on suive d'abord la terre sur la Manche, à partir de l'île d'Ouessant. Sur cette île qui est à l'égard du navigateur le point le plus avancé du continent, car on ne se hasarde guère à passer entre elle et la côte, à cause des rochers, se trouve un phare à feu fixe correspondant avec un phare à éclipses de minute en minute, placé à quinze lieues de là sur l'île de Bas. Celui-ci est d'une grande importance, car il indique le point où il y a obligation aux navires de s'éloigner de la côte à cause de la multitude d'écueils qui, à l'est de l'île, s'étendent fort loin au large. Outre le dangereux archipel des Sept Iles, on rencontre dans ces parages une chaîne de roches terminées par un écueil terrible nommé Rocarbel, et à trois lieues au large se trouve un autre écueil en partie cachée, nommé Roquedouve : il faut donc passer entre les deux ou avoir soin de se tenir au large au-delà de Roquedouve. Pour signaler cette passe dangereuse, on a construit au-delà des Sept Iles, sur un rocher couvert à la haute mer, situé à deux lieues au large environ et nommé les Iléaux de Bréhat, un phare à feu fixe que l'on peut regarder comme le plus beau monument de ce genre qui existe, et il est question d'en construire un autre sur Roquedouve. En attendant, le phare de Bréhat suffit par sa correspondance, d'une part, avec celui de l'île de Bas, de l'autre avec le feu tournant à éclipses de 2 minutes ¾ en 2 minutes ¾ du cap Frehel. Ces deux phares marquent l'ouverture du golfe de Saint-Brieuc, tandis que le dernier, en se combinant avec le feu fixe de Granville, marque l'arrivée à Saint Malo et à Granville, et l'entrée de la baie redoutée de Cancale. De Granville au cap de la Hague, situé au-dessus de Cherbourg, la navigation fort difficile, surtout dans le canal de la Déroute, est aidée par un feu tournant à éclipses de demi-minute en demi-minute, placé sur le cap Carteret, à onze lieues de Granville. Quant aux grands bâtiments, ils passent toujours au large des îles d'Aurigny et de Guernesey et se règlent sur le phare anglais à trois feux des Casquets, à l'ouest d'Aurigny. La correspondance du phare de La Hague est avec le phare de Barfleur à éclipses de demi-minute en demi-minute, qui marque l'autre extrémité du Cotentin, où la côte tourne de même subitement vers le Sud. Celui-ci correspond avec celui du Calvados à feu fixe varié par des éclats de quatre minutes en quatre minutes, et croisant ses rayons avec ceux du phare fixe à deux feux placé au cap La Hève, au-dessus du Havre. Entre ce dernier et celui d'Ailly, au-dessus de Dieppe, à éclipses de quatre-vingts en quatre-vingts secondes, se trouve celui de Fécamp, à feu fixe, mais se distinguant aisément du cap La Hève, en ce qu'il n'offre qu'une seule lumière. De Dieppe au phare de Grinez, à l'entrée du Pas-de-Calais, eu à éclipses, de demi-minute en demi-minute, on ne compte qu'un phare, celui de Cayeux, à l'embouchure de la Somme, varié par des éclats de quatre en quatre minutes. Il en résulte qu'une partie de la côte, évitée à la vérité par les navires, à cause des bas-fonds, n'est pas suffisamment éclairée, et aussi est-il vraisemblable qu'un nouveau phare y sera bientôt établi. A partir du cap Grinez, la côte est parfaitement éclairée par le phare de Calais, à éclipses de quatre-vingt-dix en quatre-vingt-dix secondes, celui de Gravelines, à feu fixe, et celui de Dunkerque, à éclipses de minute en minute.

Revenant maintenant à l'île d'Ouessant, nous redescendrons le long de la côte de l'Océan. On trouve d'abord, pour signaler l'importante entrée de Brest, le phare Saint-Matthieu, à éclipses en demi-minute en demi-minute, croisant ses feux, d'une part, avec celui de l'île d'Ouessant, de l'autre, avec les deux phares conjoints de l'île de Sein, à éclats de quatre en quatre minutes, et du Bec-du-Raz, à feu fixe. L'île de Sein et la chaîne sous-marine qui s'étend à l'ouest de cette île à plus de cinq lieues au large font de ces parages une région aussi dangereuse que celle d'Ouessant et de Bréhat, et c'est ce qui a engagé à y multiplier les indices qui doivent éclairer le navigateur. Le phare du Bec-du-Raz communique avec celui de Penmarch, à éclipses de demi-minute en demi-minute ; celui-ci avec le phare à éclats de l'île de Glénan, qui n'est lui-même qu'à quelques lieues du phare à feu fixe de l'île de Groix, à l'entrée de Lorient. Belle-Ile, qui est un des attérages les plus importants de France, puisque c'est là qu'on vient prendre connaissance de la terre pour entrer dans la Loire, souvent même pour Lorient, a reçu un feu tournant à éclipses de minute en minute de la plus grande portée, de manière qu'il croise ses feux avec celui du Pilier, situé de l'autre côté de la Loire. Dans l'intervalle, la côte, sur la droite de l'embouchure de la Loire, est en outre éclairée par trois feux, celui du Four, devant le port du Croisic, celui d'Aiguillon et celui du Commerce, à l'embouchure du fleuve. On comprend qu'il est aisé aux navires de conclure leur position de la situation qui présentent ces divers feux les uns à l'égard des autres. Entre l'île Dieu et l'île de Ré qui porte à sa pointe septentrionale un feu à éclipses de minute ¾ en minute ¾ se trouve seulement un petit phare à feu fixe, à la saillie des Sables d'Olonne. Ce phare septentrional de l'île de Ré marque l'entrée du pertuis Breton qui mène à la rade de Saint-Martin de l'île de Ré, à la Rochelle et à Rochefort. Un autre phare, placé à la pointe méridionale de la même île, marque un autre passage, pour Rochefort, compris entre cette pointe et l'île d'Oléron qui porte aussi un phare. Ils sont tous les deux à feu fixe, mais leur proximité suffit pour les distinguer parfaitement. Ce dernier phare correspond avec celui de Cordouan, à éclipses de minute en minute, placé en avant de l'embouchure de la Gironde qu'il éclaire très suffisamment avec l'aide de plusieurs fanaux placés des deux côtés de l'embouchure. De Cordouan à Biaritz, à l'embouchure de la rivière de Bayonne, il existe une étendue de côte plate de quarante-deux lieues, le long de laquelle le cabotage est interrompu comme sur la côte de la Bretagne, non pas à cause des roches, mais à cause du manque d'abri. Il n'y a guère dans tout cet intervalle si peu fréquenté qu'un seul mouillage, celui d'Arcachon, auquel se trouve placé un feu fixe.

Le système de la Méditerranée laisserait peut-être quelques lacunes, à cause de l'écartement de quelques uns de ses phares, si la transparence de l'air n'y était habituellement plus grande que sur l'Océan. Au cap Béarn, en avant de Port-Vendres, est un phare à feu fixe qui correspond avec celui d'Agde à éclipses de minute en minute, lequel se relie au phare à feu fixe de l'embouchure du Rhône, par le phare à éclats d'Aigues-Mortes. Celui du Rhône, joint à celui à éclipses de demi-minute en demi-minute de l'île de Planier, au sud de Marseille, éclaire parfaitement, avec le concours des fanaux, cette entrée capitale. L'entrée non moins intéressante de Toulon est éclairée par le phare de Planier, joint deux phares qui signalent l'archipel dangereux des îles d'Hyères. Du dernier de ceux-ci qui est à feu fixe, à celui d'Antibes qui est à feu fixe également et termine la côte de France, il n'y a que celui du cap Camarat qui signale l'enfoncement important du golfe de Fréjus.

Que l'on suppose donc un navire d'une marche assez rapide pour achever dans la durée de la nuit le tour des côtes de France, tel est l'ensemble des lampes qui, passant successivement sous ses yeux, sans qu'il cessât pour ainsi dire un seul instant d'apercevoir des signes de la terre, lui permettraient de nommer à tour de rôle les points devant lesquels il passerait dans l'ombre et même d'assigner toujours, à peu de chose près, sur la carte, d'après la direction dans laquelle il apercevrait les feux, le point précis dans lequel il se trouverait. Assurément le nombre de ces feux n'est pas immense, mais c'est justement leur petit nombre qui, en rendant la distinction plus sûre et plus facile, fait le mérite de cet admirable système.