Article paru dans le livre Le traité des ports de mer par P Berthot (Georges Fanchon éditeur) dans les années 1890 :

 

Phare du Grand-Charpentier  

Le phare du Grand-Charpentier est situé en mer, à l’embouchure de la Loire, à 12 kilomètres du port de Saint-Nazaire.

            Le rocher du Grand-Charpentier a été choisi pour la construction du phare, d’une part, parce qu’il est le plus avancé, du côté des chenaux d’entrée de la Loire, de la série d’écueils qui s’étendent entre la côte de Batz et la côte de Saint-Michel-Chef-Chef, et qu’il peut ainsi couvrir toute cette chaîne de récifs, d’autre part, parce qu’il est d’un accès relativement facile, d’une superficie suffisante et d’une résistance supérieure à celles des roches voisines.

La tour se trouve placée au point culminant de la roche.

Les travaux ont été commencés le 27 juin 1884.

Deux allèges de 40 tonneaux environ et trois grands canots de 7 mètres de longueur, remorqués par un vapeur, servaient au transport des ouvriers et des matériaux.

Le chantier d’approvisionnement et de taille était installé au port de Saint-Nazaire. Les embarcations et allèges de service profitaient du jusant pour se rendre sur le rocher, et du flot pour revenir à terre ; grâce à l’écluse à sas, elles entraient dans le port ou en sortaient à toute heure de la marée, suivant les besoins du travail.

            On dut tout d’abord construire une jetée pour le débarquement des matériaux, dans le nord-est du phare. On profita d’une surélévation de la roche pour fonder cet ouvrage le plus économiquement possible. Son couronnement fut arasé au niveau des hautes mers ordinaires. L’emplacement de la jetée a été déterminé par cette considération que les lames qui font, de part et d’autre, le tour de la roche, viennent interférer en ce point, et qu’il s’y produit, par suite, un calme relatif.

            Le mouillage y est bon et la roche accroche ; on y est abrité contre la lame du sud-ouest par le massif du Grand-Charpentier lui-même.

            Sur le couronnement de la jetée à 8 mètres des maisons fut installée une bigue tournante, qui, prenant les matériaux du mât de charge des allèges, les déposait sur des trucs.

            Une voie Decauville, d’un mètre de largeur, scellée sur le dallage, permettait de transporter facilement les matériaux de la bigue au pied de la tour.

            Aux environs du bout de la jetée, du côté de l’est, on dut niveler le rocher pour donner aux allèges un fond d’échouage convenable. Les pierres provenant de ce nivellement servirent à constituer une sorte de brise-lames qui forma avec la jetée un petit port où les allèges furent échouer avec assez de sécurité.

            Ces travaux occupèrent le personnel pendant toute la campagne de 1884.

            Les premières pierres de la première assise du phare ne furent posées qu’en mai 1885.

            Le phare est constitué par une tour ronde absolument semblable à celle du phare de la Banche, du Haut-Banc du nord et des Barges d’Olonnes. Le rocher qui le support étant assez résistant, on n’a pas exécuté de risberme au pied. Toutefois, pour empêcher le glissement des feuillets de granit qui apparaissent sur les bords du massif central, on a bouché les cavités de la roche et établi un glacis circulaire à faible pente de 1/10 tout autour de la base de la tour. La première assise a été de plus encastrée sur une hauteur de 0m,30 à 0m,40.

            La tour a 24m,55 de hauteur, du dessus du rocher au dessus de la murette de la chambre de la lanterne. Elle est massive à son pied sur une hauteur de 6m,15, moins le vide d’une cave-citerne.

            La hauteur du seuil de la porte d’entrée au-dessus du niveau des hautes mers est de 4 mètres. On a été conduit à élever ainsi le seuil au-dessus des hautes mers de vives-eaux, parce que les lames subissent une levée considérable au-dessus de la roche. La mer est d’ailleurs presque toujours mauvaise sur les Charpentiers.

            La partie massive de la tour a 11m,006 du diamètre à la base, et 6m,834 au niveau du vestibule. C’est un solide de révolution ayant pour génératrice un arc d’ellipse renversé, dont le demi-grand axe, légèrement incliné sur la verticale, est parallèle à la génératrice du fût conique. Il repose sur un cylindre de 0m,75 de hauteur. Au-dessus de la partie massive, le profil elliptique se continue le long de la partie creuse, jusqu’au-dessus des linteaux des ouvertures du vestibule, au diamètre de 6m,50. Le diamètre de la partie tronconique de la tour est de 6m,50 à la naissance de la courbe et de 5m,30 à la partie supérieure du fût. Au-dessus du fût s’élève une corniche de 0m,90 de hauteur.

            Une balustrade à jour surmonte la corniche dont la plate-forme supporte également le soubassement de la lanterne.

            La partie creuse du phare comprend, en dehors de la citerne-cave, cinq chambres superposées, non compris la chambre de la lanterne, savoir : un vestibule contenant les caisses à eau et à huile, une cuisine, deux chambres de gardiens et la chambre de service.

            L’échelle extérieure du phare, logée dans une cheminée creusée dans le parement de la partie massive, est composée de barreaux de bronze de 0m03 de diamètre. Les escaliers intérieurs sont formés de limon en fer profilés et de marches et contre-marches en fonte.

            La porte d’entrée du phare est exécutée en teck ; elle porte à sa partie supérieure des panneaux vitrés qui éclairent le vestibule et permettent d’aérer le phare. En face de cette porte est pratiquée une fenêtre de 0m,90 de hauteur et de 0m,45 de largeur, à croisée de bronze, munie de glaces, et qu’un volet, également en bronze, peut protéger contre les coups de mer.

            A l’aplomb de la fenêtre du vestibule, dans chacune des quatre chambres, est pratiquée une fenêtre de 1m,35 de hauteur, et de 0m,65 de largeur, fermée par une croisée de chêne, vitrée en glaces.

            Le sable employé dans la maçonnerie est provenu des bancs de la Loire, en amont de la limite de salure des eaux ; le ciment de Portland sortait de la maison Kingt, Nevan, Sturge et C°.

            Les pierres ont été extraites des carrières granitiques de La Contrie, près de Nantes.

            Elles arrivaient de Nantes à Saint-Nazaire par gabares ; elles étaient taillées et posées à l’essai sur le chantier d’approvisionnement à Saint-Nazaire.

            Conduites près de la jetée du phare, elles étaient saisies par la bigue tournante, placées sur les trucs et transportées au pied de la tour sous la flèche d’une nouvelle grue. Cette grue montée sur la maçonnerie déjà exécutée, avait un mouvement d’abatage et un mouvement de rotation autour de l’axe du phare : elle déposait exactement chaque pierre à sa place définitive.

            Le sable et le ciment étaient mis dans des sacs de même capacité, de sorte qu’on pouvait faire très facilement, sur la roche, le dosage que l’on désirait.

            On a employé l’eau de mer pour la confection des mortiers de la jetée et de la partie pleine du phare. Lorsqu’on a été rendu au vestibule, on emportait de Saint-Nazaire de l’eau douce dans de grandes caisses en fer ; au moyen d’une pompe on la refoulait dans la cave-citerne, d’où on la puisait ensuite pour faire les mortiers de la partie creuse de la tour.

            Le phare du Grand-Charpentier est muni d’un appareil dioptrique de troisième ordre. Il émet de cinq en cinq secondes des éclats  précédés et suivis d’éclipses. Il a été allumé le 16 janvier 1888.

            Le feu paraît : 1° rouge du côté de terre, dans un secteur de 199 degrés, couvrant tous les écueils situés au nord d’une ligne passant par Basse-Lovre et les Jardinets et limitant vers le nord le mouillage de la rade des Charpentiers ; 2° blanc, du côté du mouillage des Charpentiers dans un secteur de 70 degrés ; 3° vert du côté de la Lambarde dans un secteur de 29 degrés, couvrant l’écueil et les deux bouées de la Lambarde ; et 4° blanc du côté du chenal du nord de l’entrée de la Loire, dans un secteur de 62 degrés.

            Les dépenses se sont élevées à 301 782F,82 non compris l’appareil d’éclairage. 

 

Article paru dans le livre Le traité des ports de mer par P Berthot (Georges Fanchon éditeur) dans les années 1890 :

En savoir plus : 

Les trois frères jumeaux : si en regardant le Grand-Charpentier, vous avez une impression de déjà vu, c'est probablement normal. Le phare de la Banche et du Four du Croisic sont construits à l'identique. Seule différence, la peinture de ces deux derniers bâtiments en noir et blanc, ce qui n'est pas le cas du Grand-Charpentier. Il n'en reste pas moins étonnant de retrouver rassemblé dans une même région trois phares de la même construction. La Banche et le Grand-Charpentier étant des phares voisins, on décida, pour éviter toute confusion, de peindre de façon distinctive le phare de la Banche. A noter que dans le livre "L'histoire de tous les phares de France" de Francis Dreyer et Jean Christophe Fichou, éditions Ouest France, le phare du Grand Charpentier est illustré page 213 par le phare de la Banche .. Comme pour mes abonnés je ne recule devant rien, j'ai envoyé un email pour savoir si c'était une erreur ou ... une erreur !
A noter tout de même qu'en plus de ces trois phares jumeaux, cinq autres sont construits selon le même modèle : Antioche, les Baleineaux, Chauveau, le Grand-Jardin et la Pierre de Herpin.

Le 20 août 1935, un important incendie ravagea la lanterne du phare.

 

Fiche technique

Phareland, le site :

Construction : de 1884 à 1888
Hauteur de la tour : 26,55 mètres
Niveau au dessus de la mer : 24,30 mètres
Portée : 14 milles
6 éclats blancs rouges et verts, 1,5 secondes
Electrification : 1954 et 1966
Automatisation : 1969