Les phares normands en automne.

(octobre 2007)

 

 

 

Une tournée automnale des phares en  Normandie et tout autour du Cotentin ne doit pas du tout signifier « brume », « froid », « pluie » ou « grosse tempête, cela peut être aussi une douceur de fin d’été, une lumière tamisée, un ciel dans les teintes gris clair, bleu clair et absence totale de vent, même au cap de la Hague. Et plus grand monde sur les petites routes le long de la côte.
En venant du Nord de la France, mon premier contact avec un phare aurait dû être une petite maison-phare cachée sous le pont de Tancarville, propriété privée depuis 1901 déjà. Mais elle était tellement bien cachée que je ne l’ai jamais aperçue. Quelques kilomètres plus loin, je suis montée par une petite route au phare de la Pointe de la Roque qui domine la Seine et d’où s’offre une belle vue sur l’estuaire. Ce phare est hors service depuis 1910  et la mise en service du phare de la Falaise du Fond à Honfleur.

Continuant ma recherche, je vais tout droit sur Ouistreham à l’embouchure de l’Orne dans le Calvados, où le phare de 40 m de haut devait guider les pêcheurs dans les eaux encombrées de bancs de vase et de sable. Construit en 1905, automatisé en 1993, il montre une collerette rose en haut d’une tour cylindrique blanche. Depuis son centenaire, il est illuminé en mauve la nuit, ce qui lui donne un air tout à fait inhabituel.

A partir d’Ouistreham, je vais longer la côte est de Normandie avec toutes les plages du débarquement de l’armée américaine en 1944. Les phares sont rares sur cette côte peu accidentée, mais d’autres impressions très fortes apparaissent quand je visite p.ex. le grand cimetière américain à Colleville ou la Pointe du Hoc âprement défendue par les Allemands.

Seul petit phare entre Ouistreham et Saint-Vaast-la-Hougue : Ver-sur-Mer. Il n’a que 16 m de hauteur , mais son feu puissant d’une portée de 26 milles croise celui du phare de la Hève près du Havre et celui du phare de Gatteville à la pointe du Contentin. Il est connu pour l’histoire de l’amerissage forcé du premier  avion aéropostal américain en 1927, venant de New York.L’équipage de 4 personnes a été accueilli sain et sauf par le gardien de phare. .

J’ai trouvé des feux de port à plusieurs endroits : Courseulles, Grandcamp et surtout à Port-en-Bessin – Huppain, qui abrite le port de pêche le plus important de Normandie. La pêche des coquilles Saint Jacques allait justement démarrer. L’entrée du port entre des falaises de 60 m de haut est balisée par plusieurs feux , mais le plus remarquable est un feu en demi-sphère sur le pignon d’une maison à flanc de falaise. La maison elle-même est surmontée de la ‘Vierge des feux’. C’est le feu postérieur d’un feu d’alignement. Juste en –dessous de la maison se trouve toujours une sirène de brume en forme d’un cylindre blanc dirigé vers la mer mais qui n’est plus en service aujourd’hui et toute rouillée.

En continuant ma route vers St. Vaast-la-Hougue, je peux apercevoir sur une hauteur le phare de Morsalines, qui a reçu une ‘tenue de camouflage’ par les Allemands  et  après sa destruction en 1944 fut reconstruit en 1955. Mais apparemment, il se trouve dans un terrain clos inaccessible.

Devant cette côte se trouvent les deux  îles Saint-Marcouf avec un fort circulaire construit par Vauban sur l’île du large. Un feu y fut allumé en 1840 qui est aujourd’hui automatisé. L’île n’est pas accessible au public.

Quelques kilomètres plus loin en direction de Barfleur je cherche le phare  de Réville à la Pointe de Saire. C’est une petite tour carrée blanche avec une lanterne peinte en vert, le tout encastré sur le toit de la redoute du fort construit par Vauban. Il fut établi en 1836. C’est aujourd’hui un feu à occultation. Cette pointe est très paisible, surtout en cette saison et la vue s’étend de l’île de Tatihou vers Barfleur.
Me voilà arrivée à Barfleur. Je dois dire que c’est le port que je préfère sur cette côte. Le grand phare de Gatteville se trouve un peu plus loin, visible de Barfleur. Ce port est fréquentée par une quinzaine de pêcheurs, surtout en hiver, pour les bancs de moules naturelles  de Réville. L’arrivée des bâteaux dans ce port très dangereux  à cause des nombreux rochers est sécurisée par des feux d’alignement, le feu amont étant  une tour carrée encastrée dans le toit d’une maison au fond du port.

Le feu aval  se situe à l’extrémité de la jetée, une tour carrée blanche construite en 1832.
 Je me suis longuement promenée sur le port en regardant les bâteaux de pêche qui arrivent ou partent et le canot de la SNSM ‘Amiral de Tourville’ arrimé au quai. A côté de l’église trapue se trouve le monument de souvenir pour les marins disparus, avec le phare de Gatteville sculpté dans le granit poli.

Juste après Barfleur la route mène au bout du Cotentin là où se  trouve le phare de Gatteville  sur un plateau de rochers, visible de loin, à côté d’un tout petit port pour de tout petits bâteaux de pêcheurs, Roubary. Le site est impressionnant et invite à la balade, d’autant plus que le temps est presque estival. L’actuel phare d’une hauteur de 76 m, mis en service en 1834, cache le premier phare, bien plus petit, qui fut allumé en 1775  et qui sert aujourd’hui de sémaphore.
Ce phare est la plus belle pièce de l’œuvre de l’ingénieur des Ponts et Chaussées Charles-Félix Morice de la Rüe, qui a à son actif d’autres phares comme celui du Cap de la Hague et le phare de Chausey ainsi que des fanaux et des travaux portuaires à Saint-Vaast-la-Hougue, Barfleur et Granville. Le phare de Gatteville est construit de 11000 blocs de granit élevés sans échafaudage d’un poids de 7 400 tonnes, il possède un escalier de 365 marches, 52 fenêtres et 12 étages.

Sa double optique est électrifiée en 1893, elle a une portée de 29 milles et croise la lumière des phares de la Hève et de la Pointe Sainte Cathérine sur l’Ile de Wight. Pendant la guerre, le phare échappe à la destruction grâce au courage du gardien de phare, il est tout de même endommagé et sera restauré très vite après la guerre.

 

J’escalade donc (seule) les 365 marches, munie des bons conseils du personnel à l’accueil et d’un numéro de téléphone en cas d’urgence. La vue d’en haut sur toute la pointe est une belle récompense pour l’effort, l’horizon était malheureusement un peu brumeux. Après un dernier escalier en fer, j’ai pu admirer l’optique imposante qui tourne aussi pendant la journée pour éviter d’être abîmée par le soleil.

Il n’y a plus de gardien de phare pour tirer les rideaux le matin ! Et j’ai pu très bien voir la cuve à mercure dans laquelle flotte l’optique.

 

Mon périple continue lentement, le temps est si beau que j’ai envie de m’attarder dans ces paysages qui me rappellent un peu ceux d’Irlande avec des prés séparés par des petits murets rectilignes et la végétation qui consiste essentiellement de fougères, de genêts,de bruyère et de broussailles. J’arrive très vite au Phare du Cap Lévy près de Fermanville, qui est si important pour les marins car les courants au large égalent ceux au raz de Barfleur. D’une hauteur de 28 m, il s’élève à 36 m au-dessus de la mer. Le phare actuel de granit rose, construit en 1947,  a remplacé l’ancien datant de 1858 , et montre une architecture particulière avec ses quatre faces concaves .On ne le visite pas, mais la balade autour du phare offre aussi une vue très large et dégagée.

Ma route continue le long de la côte nord du Cotentin en traversant vite Cherbourg sans m’arrêter pour retrouver le calme de cette si belle arrière-saison. Je passe devant l’Anse de Saint Martin et son tout petit port très original ‘Port Racine’  et il ne faut pas oublier le village d’Omonville la Petite, où Jacques Prévert a vécu et est enterré. Sa maison est devenue un petit  musée.
J’arrive à la toute dernière pointe du Cotentin, le Cap de la Hague , entouré par des courants de mer, le Raz Blanchard, qui sont parmi les plus puissants du monde. Mais je n’ai pas vu le vrai visage de la mer, car le vent était  presque nul et il y avait à peine quelques crètes blanches. Le phare de 51 m de haut, de forme cylindrique, construit en granit du pays, est visible de loin quand on descend vers Goury et fut construit à 800 m du rivage sur le rocher du Gros du Raz. Sa mise en service en 1837 intervint après  que 27 navires se soient fracassés sur les écueils en 1823. Sa construction sur  une surface très limitée et peu émergeante de rocher posait à l’ingénieur Morice de la Rüe de nombreux problèmes. Après l’achèvement de l’œuvre, il pouvait dire avec fierté que les travaux n’avaient coûté aucune vie d’homme. Il est équipé d’un feu tournant de 1er ordre et se distingue nettement des phares environnants de Carteret , Les Casquets , Cherbourg , Cap Lévi et Barfleur par l’espacement des éclats.

En 1912, suite au naufrage d’un paquebot  venant d’Angleterre, un signal sonore en forme de trompette puissante est installé sur la galérie supérieure du phare et remplacée en 1930 par un nouvel appareil fourni par les Etablissements Henry Lepaute à Paris.

Le phare fut gardienné jusqu’en 1990  dans des conditions souvent très difficiles. Aujourd’hui, son fonctionnement automatique est surveillé par le Centre de Cherbourg. 

Comme le temps était un peu brumeux, j’ai pu nettement apercevoir les éclats du phare d’Aurigny, l’île la plus proche.

Sur la terre ferme juste en face du phare se trouve le village de Goury avec un petit port et surtout la station de sauvetage en mer, une des plus importante de cette côte, grâce à laquelle d’innombrables vies humaines ont  déjà pu être sauvées. L’abri octogonal du puissant canot de sauvetage « Mona Rigolet » présente la particularité que le canot est placé sur une bi-poutre pivotante, de sorte qu’il puisse sortir de l’abri à n’importe quelle hauteur de la marée en descendant sur des rails soit dans le port (à marée haute), soit dans la mer par marée basse, quand le port est asséché. J’ai pu apercevoir le canot par une fenêtre et me rendre compte de ses dimensions impressionnantes.

Je longe cette côte accidentée, offrant des vues magnifiques sur des baies comme celle d’Ecalgrain ou de Vauville. Je passe devant le CROSS de Jobourg (Centre Régional opérationnel de surveillance et de sauvetage),  grand bâtiment avec des antennes et radars impressionnants, surplombant la mer. Les 5 CROSS en France surveillent dans leur secteur la mer dans son sens le plus large : sauvetage maritime, surveillance de la navigation, surveillance des pollutions, surveillance des pêches etc. 

Je passe aussi devant l’immense usine de retraitement des déchets nucléaires de La Hague, mais ce n’est pas le but de mes promenades.

En descendant vers le Sud, j’arrive au petit port de Diélette, unique refuge entre Goury et Carteret. Ce port fut construit au 17e siècle pour le commerce de granit et plus tard pour le minérai de fer exploité dans des mines sous-marines devant la côte, mais qui a cessé en 1963.  Aujourd’hui le port a été converti à la navigation de plaisance A l’extrémité de la digue ouest  se trouve un petit phare cylindrique blanc de 12 m de hauteur, visible à 10 milles dans son secteur blanc. Les murs de béton des jetées sont peu esthétiques , conçus pour résister au mieux aux vents et marées violents.

Mon arrêt de l’étape de ce jour sera Barneville- Carteret, une station balnéaire assez importante avec de grandes plages. Le phare-sémaphore se trouve sur le Cap de Carteret avec un point de vue incomparable sur les îles anglo-normandes (quand il fait clair !) Le phare  d’une hauteur de 18 m est installé sur un grand bâtiment en granit et le tout surplombe la mer et les dunes à 81 mètres. La grande portée de 26 milles provient d’une optique de Fresnel importante à 6 pans. L’allumage a lieu le 1er juillet 1839, c’est un feu de 2e ordre tournant. Pendant la guerre, le phare a beaucoup souffert des bombardements, l’optique entreposée dans la salle des machines fut aussi endommagée. Les travaux de restauration ont commencé dès 1946. Le phare fut automatisé en 1976.
Mon dernier but sur la côte ouest du Cotentin sera Portbail avec son havre à sec à chaque maréee basse. Portbail avait déjà une importance à l’époque gallo-romaine pour les bateaux faisant escale entre la Cornouaille et la Méditerranée. D’où la fonction d’amer du clocher de l’église Notre Dame du 15e s.,  située en bordure du havre. C’est une belle église fortifiée en granit, sa tour carré est couronnée de créneaux  et abrite côté havre un feu qui sert aujourd’hui encore d’alignement pour les bâteaux qui rentrent.

Le havre est traversée par un joli pont de 13 piliers, qui relie le village au centre de nautisme installé en bordure de mer

Je traverse la Normandie pour me retrouver sur la côte est à nouveau et passer une dernière nuit à Port-en-Bessin, qui est si animé du fait de son activité de pêche.

Mon séjour en Normandie se termine avec un arrêt à Honfleur et une visite aux trois phares, dont seul le phare de la Falaise des Fonds est encore en activité. C’est un phare blanc , en forme d’une pyramide tronquée à base carré, d’une hauteur de seulement 11,5 m  sur le bord de la Seine.  Il est tout de même un des points importants de reconnaissance dans l’estuaire de la Seine et remplace les phares de Saint-Samson-de-la Roque, le phare de l’hôpital à Honfleur et le phare de Fatouville à côté du Pont de Tancarville.
Le phare de l’hôpital situé dans l’alignement sur la Seine et non pas à l’entrée du port de Honfleur est allumé en 1857. En 1903, le service des Phares et Balises conclut que ce phare n’avait plus son utilité et il fut éteint en 1908. Comme la ville de Honfleur veut conserver le bâtiment, il est mis en adjudication et acquis par l’Académie de peinture de Julian à Paris, qui en été y loge ses élèves. Ce phare a été peint de multiples fois par des peintres comme Monet, Jongkind, Seurat , Boudin et bien d’autres.
Reste le troisième, le petit phare à la sortie du port, accompagné de son mat de signalisation. Il a été restauré il y a quelques années, il est protégé et inscrit à l’Inventaire. Il est situé dans un endroit très pittoresque avec une belle vue sur le vieil Honfleur.

Ainsi s’achèvent quelques journées de balade, qui me laissent des impressions inoubliables  de mer, de phares et de bateaux..

 

Dans mon sac à dos m’accompagnaient deux livres que je ne peux que recommander : « Phares et feux de la côte normande » - catalogue de l’exposition qui a eu lieu à Honfleur et à Granville en 2002, et « Balades autour des phares en Normandie » édité en 2004. Il y a aussi le récit de Roger le Huel » Goury et sa station de sauvetage » 1998 et beaucoup d’autres livres concernant cette région, indiqués dans la bibliographie du site de ‘Phareland’.

Seul le phare de Gatteville est visitable en cette saison.

Heures d’ouverture : février, novembre et décembre : 10°° à 12°°, 14°° à 16°°.

                                  mars + octobre : &à°° à 12°°, 14°° à 17°°

                                  avril+septembre : 10°° à 12°°, 14°° à 18°°

                                  mai à août : 10°° à 12°°, 14°° à 19°°.

Fermé : janvier, 1 mai, de la mi-novembre à la mi-décembre, 25 décembre.

Tel. : 0233231797

 

Bettina