LES PHARES

Article paru dans le magazine "SCIENCES ET AVENIR" numéro 42, paru en août 1950.


Les phares n'ont pas tous la structure "classique" d'une longue tour cylindrique-conique blanche, mais ont souvent des architectures très pittoresques tel, ci-contre, le phare de Ploumanach

La guerre et la libération ont coûté à la France 135 phares sur 650, dont 25 grandes tours atteignant 60 mètres, 147 équipements optiques sur 659, 35 signaux sonores sur 62, 23 radiophares sur 28, 9 bateaux-balises sur 13, 4 bateaux-feux sur 5 et 352 bouées sur 1378. Ces destructions honteuses, principalement localisées dans des régions où n'eut lieu aucune action militaire, ne furent pas l'œuvre de la Kriegsmarine mais d'unités spécialisées de la Wehrmacht.  

Actuellement, les ruines ont été relevées partout où les circonstances le permettaient : des supports sur pylônes ont été installés pour le service des feux importants, durant la période provisoire. Les tours reconstruites ont été réalisées "en dur", avec des matériaux de premier choix : car la tempête, les pluies du large, le "salin" de mer ne pardonnent pas.  

Au mur de la grande salle du Service des Phares et Balises la carte littorale s'étale à nouveau, étoilée de feux, tachée par les cercles jaunes des  "portées" qui s'entrecoupent en mer. Ce cordon de signaux, c'est la ceinture de sécurité du continent. Responsabilité énorme : la France est le veilleur maritime de l'Eurasie. Créac'h d'Ouessant est le premier signe humain que les marins voient émerger quand ils s'avancent aveuglément dans l'entrecroisement radioélectrique du Loran, tâtant du radar l'approche du Vieux-Monde.  

LES PHARES ANTIQUES

 

A l'époque où les Phéniciens, commerçants et navigateurs, sillonnaient le double bassin de la Méditerranée, des "feux de navigation" furent établis aux points dangereux et à l'entrée des ports. Le Pirée, port d'Athènes, possédait, plusieurs siècles avant notre ère, des bastions couronnés de feu, qui servaient accessoirement à la défense contre les pirates.  

La Tour d'Alexandrie, bâtie dans l'île de Pharos, a légué son nom à tous les "phares". C'était une des Sept Merveilles du Monde. Amnien Marcellin en attribuait le mérite à Cléopâtre, mais la critique moderne, appuyée sur les témoignages de Pline, Lucien Eusèbe, n'en conteste plus la paternité à Ptolémée Philadelphe.  

Bâti en 285 av J - C., le Phare avait environ 135 mètres de hauteur ; il portait un feu dont la fumée servait de repère diurne efficace, mais dont la lumière, la nuit, se différenciait mal des étoiles. Les tours à feu antiques prirent modèle sur le Phare, avec un nombre variable d'étages décroissants. Telles furent les tours d'Ostie, du détroit de Messine, de Boulogne-sur-Mer. Cette dernière érigée par Caligula marquait le point où s'embarquait les légions pour la "Bretagne". Restaurée et rallumée par Charlemagne en 810, elle s'écroula avec la falaise en 1664.  

Les phares les plus anciens actuellement existants sont Cordouan en Gironde, 1610 (restauré en 1789), les Baleines (Charente- Maritime) 1679, la Hève (Seine inférieure) 1774, l'Ailly (Seine inférieure) 1775 et Barfleur, dans la Manche, également 1775.

DU FEU DE HOUILLE AUX PHARES A "ECLIPSES"

Les sources de lumière employées dans les phares demeurèrent longtemps primitives. Sous le règne de Louis XII, on utilisait encore des feux de bois, de charbon, de résine. Le travail était épuisant, la portée assez bonne mais la "différenciation" médiocre ; il était presque impossible d'identifier les feux aperçus.  

A Biarritz, sur la colline de l'Attalaye, on pouvait voir avant la guerre une "Tour des Sorcières", dont le fût creux et noirci révélait l'usage ; c'était un ancien phare où l'on brûlait des branches de pin pour guider les navigateurs sur des atterrages très difficiles.  

Au XVIIe siècle apparaît la chandelle, utilisée en groupe, abritée dans une lanterne vitrée. Un siècle plus tard, vers 1780, les chandelles cèdent la place à des lampes à huile, à mèche plate, équipées de réflecteurs métalliques sphériques . Les résultats furent décevants : à Cordouan où avait été installé un groupe de 80 lampes, les navigateurs réclamèrent le retour au feu de houille !  

Ce fut un physicien aujourd'hui trop oublié, Teulère, qui eut l'idée des réflecteurs paraboliques, analogues à nos actuelles "paraboles" de phares de voitures. Devenu parallèle, le faisceau lumineux put atteindre des portées considérables...mais au prix d'un inconvénient capital : c'est qu'il n'éclairait plus qu'un point de l'horizon !  

Teulère tourna cette nouvelle difficulté en faisant pivoter la source lumineuse toute entière, réflecteurs compris, autour d'un axe vertical. L'avantage obtenu est double, car tout l'horizon se trouve balayé par éclair, et , en outre, il est possible de rythmer réglementairement ces éclairs de façon à permettre l'identification du phare. Ainsi sont nés les phares à éclipses, dont l'emploi est aujourd'hui universel.

Un catalogue international des phares se trouve à bord de tous les navires. Combiné avec les cartes maritimes, cet utile instrument de navigation permet aux commandants de se présenter avec sécurité, de nuit, devant des rivages inconnus.

LENTILLES A ECHELON DE FRESNEL

Arago, membre de la Commission des Phares, eut l'occasion de s'adjoindre en 1819 un jeune savant d'un rare mérite, nommé Augustin Fresnel. Fresnel avait déjà à son actif différents mémoires sur la double réfraction, la diffraction, les interférences et la polarisation de la lumière. Tous deux réussirent à appliquer aux lampes de phares le système de la pompe à huile Carcel, ainsi que le "bec à double courant d'air" d'Argand, qui a pour effet d'introduire l'air comburant jusqu'au centre de la flamme.  

C'étaient là des perfectionnement mineurs. Fresnel rêvait de substituer, aux lourds réflecteurs de Teulère, de simples lentilles transparentes. Une lentille, si l'on place une source lumineuse à son foyer, fournit un faisceau parallèle ; malheureusement, quand on réalise des lentilles de grand diamètre, l'épaisseur devient également considérable : l'absorption de lumière est prohibitive et la lentille ne manque pas de casser sous l'influence de la chaleur.

Fresnel eut alors une idée que Buffon avait eue avant lui. Il réinventa la lentille à échelons. Dans ce nouveau dispositif optique, la lentille centrale, de diamètre modéré, est entourée d'"anneaux" à section triangulaire, formant autant de zones circulaires appartenant à des lentilles fictives ayant même foyer. L'ensemble fonctionne comme une lentille unique, mais demeure mince et peut être réalisé avec de grands diamètres.  

Les "optiques" des phares modernes atteignent parfois des dimensions considérables, nécessitées indirectement par le volume de la source lumineuse, notamment des manchons incandescents et des enroulements de filaments des lampes électriques. En effet, plus la source est volumineuse par rapport à l'équipement optique, et moins la "mise au point" est rigoureuse, autrement dit, plus le faisceau diffère d'un faisceau parallèle correct. C'est ce parallélisme qui conditionne la portée du phare, qui n'est plus alors limitée que par l'absorption atmosphérique, surtout en temps de brume.  

Un peu de  "divergence" doit néanmoins être laissé au faisceau, sans quoi les éclairs auraient une durée infiniment brève. L'angle occupé par les rayons doit être tel que l'œil de l'observateur reçoive de la lumière durant quatre dixièmes de seconde au maximum ;  pour une durée plus longue, l'impression lumineuse ne serait pas sensiblement accrue.

La rotation lente, sans "points durs", des pesantes optiques pose des problèmes qui ont été parfaitement résolus par l'emploi de flotteurs reposant sur une cuve  à mercure circulaire. Cette solution est inapplicable à bord des bateaux-phares, où l'on a pu néanmoins monter des optiques suspendues à la Cardan , tournant sur roulements à billes.

CREAC'H D'OUESSANT : 500 MILLIONS DE BOUGIES !

Les sources lumineuses actuellement employées sont l'arc électrique, la lampe à filament, divers gaz et le pétrole.  

En 1940, la répartition était la suivante : 6 arcs, 234 lampes à filament, 49 becs à acétylène, 231 au propane, 178 à gaz et 217 au  pétrole ; ces derniers se répartissaient en 98 feux à mèches, 22 à mèches et incandescence et 97 à manchon incandescent.  

Les arcs semblent en régression. Dès 1898, ils ont été victorieusement concurrencés par le gros manchon (85 millimètres de diamètre) chauffé au pétrole vaporisé et dont la brillance dépasse 30 bougies par centimètre carré.  

Le pétrole lui-même a dû reculer devant le gaz d 'huile comprimé à 15 atmosphères, l'acétylène, dissous à raison de 130 volumes dans l'acétone, et surtout le gaz catalytique extrait des fuels pétroliers, dans des usines appartenant au Service des phares, et comprimé à 150 atmosphères dans des bouteilles en acier.  

'L’éclairage électrique a connu un renouveau de faveur avec la création, par les fabricants, de filaments suffisamment "concentrés" pour constituer un bon foyer optique. Une lame à filament de tungstène, avec bulle de 40 centimètres de diamètre, permet d'absorber 6 kilowatts. Les culots doivent être refroidis par une circulation d'eau.  

On atteint aujourd'hui des intensités lumineuses de 8 000 bougies à la source, ce qui correspond à une quarantaine de millions de bougies dans l'axe du faisceau.  

A titre d'exemple, voici quelques caractéristiques du phare de Créac'h d'Ouessant, qui détient sauf erreur, le record du monde des phares de grand atterrage. La lanterne fixe du phare mesure 5.50 mètres de diamètre et 13.40 mètres de hauteur, y compris le paratonnerre ; ses glaces ont 8 millimètres d'épaisseur. La source lumineuse est formée par le charbon positif d'un arc à forte densité de courant, le cratère couvrant toute la surface du charbon. Chaque arc absorbe 50 kilowatts. La dimension de la source est ainsi de 28 millimètres ; la distance focale de l'optique est de 65 centimètres, ce qui fournit une durée d'éclairs satisfaisante.  

L'ensemble comprend quatre appareils formés chacun de deux panneaux optiques groupés et installés sur deux plates-formes superposées, de façon à reproduire quatre fois par tour le rythme du feu à deux éclats groupés toutes les 10 secondes.  

Les panneaux optiques ont une hauteur de 2.20 mètres et une surface utile de près de 21 mètres carrés. Ils se composent d'une lentille centrale et de 11 éléments annulaires échelonnés, formant une partie "dioptrique", c'est-à-dire uniquement réfractant ; au-dessus et au-dessous se trouvent 8 anneaux catadioptriques, c'est-à-dire donnant lieu à une réflexion intermédiaire. L'ensemble tournant repose sur 80 litres de mercure ; il est mû par un moteur électrique avec réducteur à vis, qui lui fait faire un tour en 40 secondes.  

Le charbon positif tourne sur lui-même, ce qui assure une usure régulière ; la tension aux bornes est de 85 volts, l'ampérage de 500 ampères. Par beau temps les arcs sont remplacés par des lampes à incandescence de 3 kilowatts sous 110 volts. Les gaz dégagés par les arcs sont évacués par des hottes à ventilateurs électriques. L'intensité lumineuse dans l'axe des faisceaux est de 500 millions de bougies... Rappelons que celle du Soleil - il est vrai démuni d'"optique" ! - est de 150 000 bougies seulement pour un observateur terrestre.

COMMENT ON CONSTRUIT UN PHARE SUR ECUEILS

L'édification des tours en mer a donné lieu à des travaux dramatiques où le pittoresque technique se mêle à l'héroïsme.  

Les ouvrages doivent souvent être construits sur des roches offrant très peu d'émergence à la haute mer, sur des récifs à fleur d'eau ou même sur des roches constamment sous-marines. La première opération consiste, en profitant d'une rare journée de calme plat, à se rendre à  proximité, afin de se rendre compte du régime marin de l'écueil. Que l'on songe que dans le Fromveur, qui sépare Ouessant de la terre ferme, le courant atteint 17 kilomètres à l'heure et jette les bateaux sur de véritables herses de récifs !  

Dès que les Services météorologiques permettent d'espérer une période de beau temps, on envoie sur place un vapeur accompagné d'une chaloupe. Le vapeur se tient à distance prudente, tandis que la chaloupe s'amarre sur trois bouées disposées en étoile et orinées sur des corps morts en fonte. Les hommes débarquent sur le récif à l'aide de canots, en talonnant durement ; généralement, ils s'attachent avec des cordes et doivent se plaquer sur la roche pour laisser passer chaque coup de mer.  

La roche est le plus souvent couverte de goémons que l'on commence par détruire à l'aide d'acide, de brosses en acier, voire de demi-cartouches, en évitant d'"étonner" la roche, Il est avantageux, au départ, de laisser accrochées aux premiers crampons de courtes chaînes dont le ragage continuel, sous l'action des vagues aura raison des végétations les plus coriaces.  

Quelques heures seulement, à la belle saison peuvent être consacrées à ces travaux préparatoires et l'on s'estime parfois heureux si deux ou trois ans de peines et de danger se soldent par une vingtaine de crampons dûment scellés ! Pour construire Nividic, il n'a pas fallu moins de vingt-trois ans et ce n'est point là un chiffre exceptionnel.  

Dans la roche dénudée, on taille au pic ou au fleuret des encoches dissymétriques ou redans, et immédiatement, on accroche sur ces redans les fondations de murettes protégeant les ouvriers contre les  vagues. Dans les cas d'urgence, on se borne à empiler des sacs emplis de ciment prompt, que l'on mouille et qui fournit très rapidement une protection.  

Pour construire les fondations proprement dites du phare, le procédé des casiers a donné des résultats remarquables. On désigne sous ce nom de larges cadres en fer, sur lesquels sont tendues des toiles métalliques serrées. Ces panneaux sont préparés en forme sur les indications d'un scaphandrier, qui se charge de les assujettir en place avec des cordes, tout autour du rocher. On coule ensuite, le plus rapidement possible, entre casiers et rocher, du béton de Portland, qui a la propriété de "faire prise" sous l'eau. La roche se trouve ainsi  ceinturée d'un massif solide sur lequel on peut continuer les travaux.  

Ces opérations sont très délicates à cause du "batillement" des vagues.  A la Tour des Moines, en Corse, des vides subsistèrent entre roche et béton et le massif fut emporté par la mer.

Les caissons métalliques, qui représentent un matériel moderne pour les travaux en eau calme, donnent ici des résultats décevants. La mer les pousse, les soulève, les déplace sans arrêt ; ils finissent par se cabosser tout en dégradant la roche et  doivent être retirés.  

A Rochebonne, près de la Rochelle, on tenta pendant quatre ans de mettre en place un caisson de 14 mètres sans y parvenir. A l'île de Ré, le phare de Chachardon, cosntruit sur un caisson, se mit un jour à osciller sur sa base. De couteux travaux de consolidation durent être entrepris.  

Le corps même du phare, ou "fût" est ancré dans la roche par des tirants en acier verticaux, qui viennent se réunir aux armatures du massif de fondations. Malgré cet amarrage robuste, il arrive que de petits ouvrages soient "fauchés" par la mer ; tel fut le cas de la tourelle d'Astan, près de Roscoff, qui dut être remplacée par une bouée. La roche elle-même peut céder, par suite de l'énorme bras de levier  que la tour offre aux vagues, c'est ce qui est arrivé à la Jument de Penmarch.

RADIOPHARES ET RADIOALIGNEMENTS

 

Outre les "phares" optiques, il existe actuellement- en service ou en projet - un certain nombre d'unîtés radioélectriques sur le rivage métropolitain et celui de nos territoires d'Outre- Mer.  

Ce sont : les radiophares, un radioalignement, une station Consol, divers équipements de radar.  

Actuellement, il y a 21 radiophares en France et 3 en Algérie ; le programme de reconstruction portera leur nombre à 38 pour la France, 8 pour l'Algérie, 3 pour la Tunisie et 5 pour le Maroc. Les radiophares sont des émetteurs permanents, dont le navigateur relève le gisement à l'aide de son goniomètre. Deux alignements, ou mieux trois, se recoupent en fournissant la position du navire.  

Dans l'organisation actuellement en vigueur en Europe, les radiophares fonctionnent par groupes de trois, sur la même fréquence ; chacun émet pendant deux minutes, puis se tait durant quatre minutes, les émissions des trois radiophares se trouvant ainsi décalées de deux minutes. La commande est entièrement automatique. Les portées, fixées par des conventions internationales s'échelonnent de 20 miles (milles marins de 1.842 mètres) pour les entrées de ports, à 200 miles pour les radiophares de grand atterrage.  

Un radioalignement est en essai au Verdon sur mer. Il réalise un "axe balisé" immatériel, que les navires suivent "au son" comme il est de pratique courante dans l'aviation.  

Une station Consol est en construction à Ploméis, près de Quimper. Trois antennes émettrices sont disposées sur une même ligne droite et distantes d'environ trois longueurs d'ondes. Elles créent dans l'espace un diagramme d'interférences très directif, déterminant environ 10 axes balisés convergeant vers le radiophare. En outre, l'ensemble du diagramme radioélectique tourne autour du radiophare, ce qui permet aux navires un relèvement exact.  

Un radar de surveillance a été installé au port du Havre . Il permettra de voir les différents navires, de repérer les directions qu'ils suivent, de connaître ceux qui ne sont pas annoncés au port et de les interroger par radiotéléphonie. Contrôlant les routes suivies, même en cas de brume, il permettra également de prévenir deux bateaux qui risquent de s'aborder ou un navire qui se dirige vers un haut fond. Éventuellement, il autorisera un repérage des épaves et le contrôle des bouées.  

Quand un navire demandera le pilote par temps "bouché", le radar pourra guider ce dernier, par radiotéléphonie, jusqu'au navire, puis contrôlera la manœuvre.  

Neuf radars de navigation ont été installés sur des baliseurs, remorqueurs et vedettes. Ils permettent de voir les bateaux-écueils, épaves existant dans un rayon de 15 ou 30 milles, la forme générale des côtes, l'entrée d'un estuaire ou d'un  port, les bouées, les îlots et même les phares indépendamment de la vision directe.  

Au large de Dunkerque, dans l'estuaire de la Seine et en Gironde, des "répondeurs radars" ont été installés sur des bouées. Ce sont de simples réflecteurs inertes, constitués par exemple, par trois surfaces métalliques en trièdre trirectangle renvoyant les ondes dans la direction de l'émetteur.  

Pour le balisage de la Seine, de la Loire et de la Garonne, 6 Ray marks et 4 Racons ont été commandés aux États Unis. Les Ray marks sont des émetteurs continus de radar, tandis que les Racons captent les ondes incidentes des radars des navires et "répondent" au moyen de leur émetteur local.

LES PHARES SANS GARDIEN

C'est une austère et périlleuse existence que celle des gardiens de phares. Glaces brisées malgré la hauteur de la tour, vagues glissant verticalement le long du fût et venant coiffer la lanterne, irruptions d'eau torrentielles, hommes emportés, lampes éteintes, on n'en finirait pas de conter les épreuves de ces hommes éloignés de tout secours. A la Jument, en 1911, 65 kilogrammes de mercure sont projetés hors de la cuvette de l'optique et dégringolent dans les escaliers, intoxiquant les gardiens. En 1916, dans ce même phare, l'eau entra dans la lanterne et détruisit le manchon ; les verres des lampes de secours furent tous cassés par l'ébranlement de la tour. D'autres fois, il y a un malade, un mourant ; les populations côtières voient s'élever sur la lanterne le tragique drapeau noir, indicateur de détresse, sans que la chaloupe des Ponts et Chaussées puisse approcher le phare pendant des jours ou des semaines.  

Ce sont donc des raisons concordantes d'humanité et d'économie qui ont conduit le Services des Phares et Balises à mettre au point des systèmes de phares sans gardiens, gouvernés par des appareils automatiques.  

Aux gardiens en chair et en os, les ingénieurs se sont efforcés de substituer des mécanismes capables d'assurer toutes les fonctions optiques et "phoniques" du phare : allumer le feu principal à la nuit tombante et l'éteindre à l'aube, rallumer le feu en cas d'obscurité fortuite, mettre en service un feu de secours en cas de défaillance du feu principal ; par temps bouché, mettre en marche la sirène de brume et, éventuellement, le canon de brume, enfin signaler aux postes terriens, par radio, les pannes irrémédiables.  

De solutions partielles, très intéressantes, ont été réalisées au pertuis d'Antioche, où un canon de brume était mis en marche par la dilation hygrométrique... d'un cheveu ; à Buron, aux Birvideaux, où le feu, fonctionnant au gaz, est régi par une horloge à robinet ou par une "valve solaire".  

Ce dernier dispositif comporte un bilame, qui se cambre par dilation différentielle quand le jour, apparaissant, élève de 1°C. environ la température dans la lanterne ; il a l'avantage de fonctionner également en cas de brume. Détail curieux, il a fallu monter en opposition un second bilame, abrité de la lumière sous un miroir, afin de compenser l'action saisonnière ; faute de quoi, le feu serait demeuré allumé tout l'hiver et éteint tout l'été !  

Mais le chef-d’œuvre des Phares-Robots est celui de Nividic, construit sur le rocher de Men-Garo, à la pointe ouest de l'île d'Ouessant. Paralysé en ce moment par la destruction de la station côtière de Pern, il sera mis en service à une date indéterminée.

"QUI VOIT OUESSANT, VOIT SON SANG ! " 

Placée en avant-garde aux atterrages du Finistère, l'île d'Ouessant, terre dangereuse, constitue la "borne de virage" que viennent doubler d'innombrables navires à l'approche du continent européen. Des courants violents, des tempêtes, la brume, des récifs plus ou moins submergés suivant l'heure de la marée, une navigation intense, ce sont là, réunis au même point du globe, tous les périls de la mer.  

Par beau temps, Ouessant est repérée à grande distance, sans difficulté, grâce au grand phare terrien de Créac'h ; mais quand le brouillard s'étend, quand les faisceaux lumineux les plus puissants viennent mourir à quelques centaines de mètres dans un halo rouge, il est indispensable que les marins trouvent devant eux, à la pointe des derniers écueils, un feu avancé complété par des signaux sonores, sirène et canon de brume.

Le choix du service des Phares et Balises s'est porté sur l'écueil de Men-Garo, à la pointe sud-ouest de l'île. Neuf cents mètres séparent l'écueil de la côte ; il est couvert de plusieurs mètres d'eau à haute mer, encore environné de houle de 4 mètres de creux par temps calme, accessible en moyenne six jours par an !  Le phare se nomme Nividic; l'installation est l'œuvre de M. l'ingénieur Besson.

Les travaux durèrent vingt-trois ans ; il y eut des années qui se soldèrent par quelques crampons scellés dans le roc ! Le phare étant relativement peu éloigné de la côte, on résolut de le faire fonctionner sans gardien, grâce à des câbles aériens reliant la tour à la station côtière de Pern, et supportés par deux tours intermédiaires construites sur les récifs de Kerzu et Concu.  

Les trois portées ainsi réalisées, pour les câbles, sont de 275, 410 et 250 mètres, ce qui est considérable sur une côte exposée à de formidables tempêtes. Les câbles, au nombre de deux, furent très soigneusement équilibrés par des contrepoids de 20 tonnes, leur conférant la souplesse désirable. Normalement, ils servent de conducteurs électriques. En outre, on s'est réservé la possibilité d'y faire circuler une nacelle à hélice aérienne, équipée d'un moteur de 40 chevaux, permettant d'accéder à Nividic en cas d'urgence ; toutefois, c'est là une possibilité sur laquelle il vaut mieux ne pas trop compter par gros temps ou par nuit de brume.

LE ROBOT ET LA SIRENE

Telle est la situation en temps normal. A la station de Pern, des groupes électrogènes, des appareils de régulation et de contrôle, des surveillants en chair et en os, toutes les ressources de l'initiative et de la technique.  

A Nividic, personne, la tempête, la nuit.... et les Robots.  

Supposez d'abord les appareils en bon état et l'atmosphère claire. La nuit tombe, le surveillant de Pern met en marche un petit groupe Diésel de 4 kilowatts, envoie dans les câbles un courant alternatif de 4 ampères sous 500 volts. A l'arrivé ce courant est abaissé à 110 volts par un transformateur et vient alimenter le foyer principal. Celui-ci est constitué par une ampoule de 1 500 watts, placée dans une "optique" lenticulaire à échelons de Fresnel, que fait tourner un moteur à collecteur de 1/10 de cheval. C'est le fonctionnement normal, les faisceaux de Nividic balaient réglementairement l'horizon.  

Mais voici que l'atmosphère se trouble ; le phare s'entoure d'une sphère rouge ; il faut mettre en marche la sirène. Le mécanicien de Pern commence par brancher sur les câbles un groupe plus puissant, envoyant un courant alternatif de 30 ampères sous 500 volts. Il injecte ensuite, durant quelques secondes, un courant continu, prélevé aux bornes de l'excitatrice de l'alternateur. Arrivé à Nividic, ce courant bifurque dans une bobine de self infranchissable pour le courant alternatif, et enclenche le premier relais d'une série de contacteurs de démarrage automatique ; un compresseur de 20 chevaux se trouve mis en route et alimente la sirène.

A Pern, le surveillant prête l'oreille, mais n'entend rien ; une avarie a bloqué la sirène, il faut mettre en marche le canon à acétylène. Une manœuvre tout aussi simple suffit : on envoie un courant continu en sens inverse du précédent. A l'arrivée, le courant est séparé par un redresseur à oxyde de cuivre et agit sur un relais qui ouvre la valve du canon.

LE CANON DE BRUME

L'emploi de canons de brume automatiques dans les postes côtiers, remonte à une trentaine d'années. Dans le Pertuis d'Antioche, près de La Rochelle, le premier canon installé était gouverné... par un cheveu, un simple cheveu de femme, qui s'allongeait sous l'influence de l'humidité, du brouillard et mettait le mécanisme en marche !  Ce dispositif fragile a été remplacé aujourd'hui par une télécommande radio.

Pour ces canons automatiques, il va de soi qu'on ne peut faire appel à un chargement mécanique comme celui des mitrailleuses ; un mécanisme aussi complexe ne tarderait pas à   s'enrayer. L'explosif employé est gazeux ; c'est un mélange d'air et d'acétylène, que le canon prépare lui-même au fur et à mesure de ses besoins.

Imaginez un large tube conique en acier, pointé vers le ciel et terminé à sa base par une chambre creuse robuste. Dans cette chambre aboutissent les tuyaux de deux petits gazomètres dont les cloches sont reliées par un levier.  

Dès que le relais électrique a ouvert la valve des "bouteilles" à acétylène, ce gaz afflue sous la cloche n°1 qu'il soulève. La cloche n°2 se trouve soulevée également par le levier, mais elle n'aspire que de l'air. Au bout d'une vingtaine de secondes, un déclenchement se produit, les cloches redescendent ; l'air et l'acétylène se trouvent refoulés séparément et viennent mêlés en proportion exactement explosive dans la chambre.       L'inflammation est produite à cet instant par la rotation brusque d'une forte molette au contact d'un bâton de ferrocérium. Le coup part, par le canon vertical, et les mouvements se poursuivent indéfiniment, sans autre source d'énergie que l'écoulement de l'acétylène.

Le bruit du canon peut être masqué par de grandes pluies ou par le vent. Il est donc nécessaire que l'automate puisse "renseigner" directement les surveillants sur son fonctionnement correct. On a donc équipé le mécanisme ci-dessus d'un petit poste de radio fonctionnant sur lampes auto dynes ; une émission, produite à chaque oscillation du levier avertit les hommes que les cloches d'alimentation sont en mouvement. En outre, un microphone leur transmet le bruit de l'explosion, ce qui permet d'identifier les pannes de la molette d'allumage.

LE CHAPITRE DES AVARIES

Nous entrons maintenant  en plein "automatisme à initiatives" ; supposons qu'une série d'avaries viennent compromettre le fonctionnement de l'installation de Nividic et voyons comment vont réagir les robots.  

Premier cas : le filament de la lampe "brûle". Tout aussitôt, le manque de courant déclenche un relais à minimum qui allume un feu de secours. Il ne s'agit plus d'un feu électrique, mais d'un fanal à "gaz de ville", installé tout au sommet de la tour, dans une "optique" indépendante. Cette optique ne tourne pas ; le gaz traverse un "éclipseur" à membrane, qui fait varier automatiquement sa pression et, par suite, l'éclat de la flamme, suivant le rythme réglementaire assigné aux éclipses de Nividic. Si plusieurs jours se passent sans que l'éclairage normal puisse être rétabli, l'allumage et l'extinction du feu à gaz se produiront à heures fixes, grâce à une horloge à robinet.

Passons aux signaux sonores. Quand le surveillant envoie un courant continu destiné à mettre en train le compresseur de sirène, une minuterie se trouve armée. Si, au bout de deux minutes, la pression au réservoir n'a pas atteint deux atmosphères, la minuterie met le canon en marche.

Supposons que les câbles se rompent. Si cet accident survient à l'un d'eux seulement, les surveillants conservent la possibilité de commander le canon de brume par une émission de canon continue, avec retour par la mer. Si les deux câbles sont tombés à l'eau, une dernière ressource subsiste : la radio. Une installation de radio-télémécanique, fonctionnant sur ondes courtes de 7 mètres, permet de mettre en marche le canon de brume. Celui-ci "répond" sur ondes de 80 mètres, pour indiquer qu'il a obéi. Ainsi le feu et le signal sonore n'en persistent pas moins tous deux, malgré la rupture complète des communications matérielles avec la côte.

....Nividic représente une synthèse d'automate à initiative" unique en Europe. Que l'on imagine un instant cette tour en béton le pied est ancré sous plusieurs mètres d'eau, fouettée d'embruns et d'énormes vagues au milieu de la nuit, sur un des plus redoutables rivages du monde ; dans la tour, claquant avec des éclairs bleus, les "cerveaux mécaniques" des contacteurs, les relais, les moteurs, un compresseur de 20 chevaux avec son panneau de démarrage, un canon de brume avec ses cloches et son allumage au ferrocérium, enfin un poste radio-émetteur automatique télégraphiant de vingt secondes en vingt secondes tandis que les explosions ébranlent le ciel... Et l'on accordera qu'il y a là une de plus parfaites et des plus émouvantes réussites de la technique de l'Automatisme.

PHARES ISOLES EN MER ET GARDES

Tous ces feux sont éclairés au pétrole à l'incandescence, à l'exception de celui de L'Ile Noire qui est au propane.

MANCHE

La Hague

ILE ET VILAINE

Pierre de Herpin

 

Grand Jardin

COTES-DU-NORD

Le Grand Léjon

 

Les Roches Douvres

 

Les Héaux de Bréhat

 

Les Sept Iles

 

Les Triagoz

FINISTERE

L'Ile Noire

 

L'Ile Louet

 

L'Ile Vierge

 

Kéréon

 

La Jument

 

Le Four

 

Les Pierres Noires

 

Ar-Men

 

La Vieille

 

Penfret

 

L'Ile aux Mouton

MORBIHAN

La Teignouse

 

Les Cardinaux

LOIRE-INFERIEURE

Le Four

 

La Banche

 

Le Grand Charpentier

VENDEE

Le Pilier

 

Les Barges

CHAR.-MARITIME

Chauveau

 

L'Ile d'Aix

GIRONDE

Cordouan

HERAULT

Brescou

VAR

Le Grand Rouveau

 

Le Grand Ribaud

 

Le Titan

CORSE

La Giraglia

 

Les Sanguinaires

 

Lavezzi