Kéréon, aussi appelé Men-Tensel (en français Roche Hargneuse), du nom de la roche sur laquelle il est bâti, est situé au Sud Est de l’île d’Ouessant, dans le passage de Fromveur, côté Molène et non loin de l’île Bannec. (48.26,3 N- 5.01,6 W) Sa tour mesure 48 mètres (et à 44 mètres au-dessus niveau de la mer). Son feu a une portée de 17 milles pour le secteur blanc et 7 milles pour le secteur rouge. Sa lanterne est équipée d’une lampe halogène de 180 W. Sa corne de brume comporte 3 sons (2+1) toutes les 2 minutes. A l’intérieur, le parquet est en marqueterie, en chêne, ébène et acajou, les murs lambrissés en chêne de Hongrie, l’escalier en mosaïque, et les lits clos dignes des fermes de Bretagne. Kéréon est un petit Versailles, avec sa grande rose des vents en ébène et acajou incrustée dans le parquet. |
La relève se fait tous les 15 jours par la technique dite du bouchon, c’est-à-dire un câble tendu entre le phare et la vedette. Ce sont les vivres qui sont rentrés en premier, suivis des gardiens montants, pour finir par les descendants. Ainsi, la sentinelle ne reste jamais sans surveillance. Deux hommes sont en permanence en fonction dans la tour et se relèvent selon un rythme qui ressemble à un rite : l’un est en activité tandis que l’autre est de repos. Les conditions actuelles, grâce aux progrès technologiques, sont bien entendu moins difficiles que dans le passé. Qui dit passé, dit histoire. Je vous propose un petit retour en arrière avant de découvrir l’intégralité d’un article du journal la Nature en date du 15 août 1929. | |||
En 1907, malgré des conditions pénibles, 43 accostages sur la roche ont été possibles, permettant ainsi l’établissement de 60 mètres cubes de fondation. En 1908, la plate-forme est bien avancée, ce qui conduit le ministère des Travaux Publics à avaliser la construction du phare. | Cependant les difficultés sont grandes, et la générosité de Mme Jules Le Baudry, le 2 janvier 1910, va faciliter grandement les choses. Kéréon fait partie, avec Eckmühl et la Jument des trois phares construit en Bretagne grâce à des legs. |
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L’administration se montra ici très rapide
( !) et elle accepta ce don de 585 000 francs le 31 janvier 1910,
portant ainsi le budget alloué à la construction de l’édifice à 750
000 francs. Ainsi, d’une tour au départ en projet, on finira par un
phare habité des plus beaux en son intérieur. Les plans architecturaux
sont revus à la hausse, et les 3000 mètres cubes de maçonnerie restent
à ce jour inégalés, et le resteront certainement toujours.
Les conditions sont difficiles, et les ouvriers ont parfois la surprise de découvrir que les efforts de la veille ont été anéantis par la mer et la force de ses vagues. Malgré de nombreux incidents, la construction de Kéréon ne déplorera qu’un seul mort, ce qui est toujours un mort de trop. En octobre 1911, un ouvrier, Monsieur Guennegues, décèdera suite à la chute d’une pierre lors du repêchage du conducteur Crouton. Pour dresser la tour, une douzaine d’ouvriers s’affaire sur le chantier. |
La première guerre mondiale interrompra les
travaux. La main d’œuvre se fait rare car elle est à la guerre et la
matière première se raréfie. L’offre se raréfiant, le coût des
matériaux augmente. L’Etat augmentera alors sa participation, ce qui
portera le budget final à 975 000 francs, faisant de Kéréon le phare le
plus cher !
En 1940, les Allemands ordonnent l’évacuation d’un certain nombre de phares en France qui ne leur semblent pas utiles, dont Kéréon. Sur appel du gouvernement français, il ne sera pas finalement délaissé, contrairement à d’autres, comme le phare du Four. En 1977, une éolienne a été installée au-dessus de la lanterne.
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Malgré un classement à l’inventaire des Monuments Historiques, Kéréon se trouvera demain désaffecté. On peut facilement s’inquiéter sur le devenir de l’intérieur de ce bâtiment. Kéréon sera aussi un des rares, si ce n’est le seul, monument historique jamais ouvert au public. Dans son superbe livre " Phares ", Jean GUICHARD pose la question " Quel étrange paradoxe que ce luxe pouvant apparaître comme bien superflu en mer. Il n’empêche. Que deviendront tous ces parquets, plafonds et autres boiseries lorsque le phare de Kéréon ne sera plus habité ? ". |
A suivre : La construction du phare de Kéréon - La Nature du 15 août 1929 | ![]() |